Rencontre avec Arnaud Dumusois, directeur de l’Union des Fruitières Bio Comtoises (UFBC)​

, -

Ce mois-ci, cap sur la Franche-Comté pour rencontrer Arnaud Dumusois, directeur de l’Union des Fruitières Bio Comtoises (UFBC). Ancien éleveur laitier devenu entrepreneur, il œuvre aujourd’hui à la tête d’une structure unique dans la filière Comté bio. Entre exigence de qualité, modèle coopératif et engagement pour un commerce équitable, il nous partage son parcours et sa vision d’une agriculture plus juste et durable.

 

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Ingénieur géologue de formation, j’ai vite compris que ce métier ne me correspondait pas. J’ai donc enseigné pendant trois ans avant de m’installer, en 1997, comme agriculteur laitier en bio en Bretagne. J’ai exercé cette activité jusqu’en 2004 puis ai repris une entreprise de fabrication d’aliments bio pour le bétail. Je l’ai développée en y intégrant une activité d’alimentation humaine (oléagineux, plantes aromatiques). J’ai tout arrêté au moment du Covid. Puis, fin 2022, je suis tombé un peu par hasard sur l’Union des Fruitières Bio Comtoises (UFBC), que je dirige aujourd’hui.

 

Quelle est la particularité de l’UFBC et de sa filière Comté Bio ?

L’UFBC regroupe quatre coopératives, qui se sont réunies en 2000 pour commercialiser du Morbier et du Comté, tous deux AOP Bio. Cela représente aujourd’hui 25 producteurs. 

La filière Comté est organisée autour de trois groupes d’acteurs : les producteurs de lait, les fromagers, et les affineurs et metteurs en marché. 

Le pouvoir est réparti de manière égale et équilibré entre ces trois maillons. Il y a une collaboration étroite et forte, chacun étant conscient que son existence et sa pérennité dépendent des autres. 

Ce qui rend cette union unique dans la filière Comté, c’est que les meules restent la propriété de l’UFBC tout au long de la chaîne de production. Cela permet de d’avoir une maîtrise totale, ce qui est inédit dans cette filière.

 

Quels sont les modes de production au sein des coopératives de l’UFBC ?  

Le Comté Bio de l’UFBC est produit dans le respect du cahier des charges de l’AOP comté et de l’Agriculture Bio. Il est fabriqué à partir de lait cru issu uniquement de vaches Montbéliardes et Simmental françaises, nourries exclusivement à l’herbe et au foin bio (pas de maïs ensilage ni de fourrages fermentés). 

La traite a lieu deux fois par jour, et le lait est transformé dans un rayon maximum de 25 km autour de chaque ferme. Les producteurs n’ont pas recours à la mécanisation de la traite. Quand la taille du troupeau est conséquente, il faut donc plus de mains pour la mener.

Si les pratiques d’élevage sont respectueuses du bienêtre animal (accès à l’extérieur, surface minimale, aérée et lumineuse pour chaque animal…), l’humain est également au centre des préoccupations de l’UFBC. En effet, nous sommes persuadés que le bien-être animal et le bien-être de l’éleveur sont intimement liés. 

Une fois que le fromage a suivi toutes les étapes de fabrication et d’affinage, il est commercialisé dans les réseaux de magasins bio comme Biocoop, La Récolte, Chlorophylle, etc.

 

Pourquoi avoir engagé l’Union dans une démarche de commerce équitable ?

L’UFBC est labellisée Bio Équitable en France depuis début 2023. Ce choix découle naturellement de notre fonctionnement.

En effet, l’Union reste propriétaire des meules de la production du lait de la vache à la vente du fromage. En étant à la manœuvre, nous pouvons gérer facilement la partie chaîne de valeur équitable et ainsi garantir transparence et juste rémunération pour les producteurs.

Aussi, le cahier des charges de l’Agriculture Biologique et celui du comté AOP que suivent les acteurs de la filière couvraient déjà la majorité des critères de celui du label.

Enfin, nous sommes en phase avec la responsabilité sociale exigée par Bio Équitable en France. Par exemple, les producteurs n’ont jamais eu recours à du travail détaché.

Donc les acteurs de l’UFBC cochaient toutes les cases du label. Ce dernier permet de nommer et valoriser des pratiques déjà existantes, tout en affirmant une différence claire par rapport aux industriels de la filière.

Arnaud Dumusois, Directeur de l’Union des Fruitières Bio Comtoises (UFBC)​
Arnaud Dumusois - Directeur de l’Union des Fruitières Bio Comtoises (UFBC)​

Quelles problématiques la filière comté rencontre-t-elle actuellement ?

Le défi qui se pose aujourd’hui est la ressource à la fois humaine et laitière. Être éleveur laitier, c’est un métier exigeant et contraignant. Le lait est collecté tous les jours, ce qui signifie travailler 7 jours sur 7, ne pas avoir de week-end, faire des longues journées, des horaires de nuit… Cela devient de moins en moins acceptable pour les jeunes. Et cette difficulté à recruter de la main d’œuvre conduit à une baisse des volumes de lait.

En revanche, côté consommation, le Comté reste très populaire. Donc il n’y a pas d’inquiétude particulière à avoir au niveau de la demande.


Selon vous, quels sont les grands enjeux de l’agriculture de demain ?

Il y en a trois selon moi : 

  1. Le changement climatique auquel va être confrontée l’ensemble de la profession. Le glissement rapide vers un nouveau type d’équilibre climatique va entraîner des changements dans la nature des espèces végétales cultivables sur telle ou telle région, une modification du cycle de l’eau et du cycle du carbone. L’adaptation à une telle révolution est un enjeux que l’on à encore aujourd’hui peine à évaluer et qui risque d’être douloureux.
  2. Le renouvellement des générations : la question est de savoir si on pourra encore faire vivre un modèle d’agriculture familiale dans les années à venir.
  3. La place de l’agriculture biologique dans le mix agricole. Elle connaît aujourd’hui un repli alors qu’elle devrait être au cœur de la transition. L’utilisation de produits chimiques par l’agriculture conventionnelle appauvrit gravement la biodiversité et menace notre santé. Les conséquences à long terme sont encore sous-estimées. Par ailleurs, si la loi Egalim, qui impose notamment 20 % de bio dans les cantines, était réellement appliquée, ça serait déjà un grand pas.

L’État doit prendre ses responsabilités pour engager une vraie transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de l’humain. Cela permettrait de contrebalancer le poids des lobbys agro-industriels et de la chimie…